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Utilisateur:Springeram

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Le professeur Jean Molinié, stylisticien et Président de l'Université de Paris IV préface ici cet ouvrage. Il a toujours été particulièrement sensible aux rapports entre littérature et musique. Il voit ainsi venir avec intérêt les recherches qui s’interrogent aujourd’hui sur la représentativité culturelle de telle ou telle pratique verbo-esthétique. Il appelle de ses vœux une sémiostylistique qui puisse mettre en évidence le style envisagé à la fois comme « code (littérarité générale) et pulsion unique dans la mise en jeu du ou des codes » (in la stylistique, PUF, Que sais-je, 1997 : 123).
Le groupe interdisciplinaire formé pour l’occasion (folkloristes, ethnographes, ethnolinguistes, ethnomusicologues, sans distinction d’appartenance institutionnelle), présente ici le compte-rendu de travaux conduits ces quinze dernières années. Il interprète et analyse scientifiquement en prolongent ainsi très heureusement la thématique de deux ouvrages collectifs antérieurs : Actes du Colloque de 2003 : Mémoire en chanson, Chansons en Mémoire, Hommage à Jérôme Bujeaud (Paris, l’Harmattan, PCI, 2010) et, Culture populaire traditionnelle. Histoire d'une transmission. Vendée 1970-2015. De Tap Dou Païe à EthnoDoc, par Jean-Pierre Bertrand (Paris, l'Harmattan, PCI, 2015).
'''Conclusion''''' '''sur le théme de l’interdisciplinarité/musilinguistique et sémiostylistique '''''Texte en italique'''' '''Texte en gras'''André-Marie Despringre381
p.382Dans sa préface, Georges Molinié propose aux linguistes et musiciens que nous sommes, de dépasser théoriquement la sémiose linguistico-langagière et de généraliser au non-verbal, notamment à la musique, un modèle anthropologique d’« artistisation » qui inclurait les sémioses linguistiques et musicales, une mixité de sémioses. Si l’on s’intéresse à l’illustration du chant (d’opéra pour lui, mais pour nos contributeurs les chants transmis oralement...), notre exemple est particulièrement « intéressant », voire exemplaire. C’est pourquoi je tente depuis 1990 d’associer systématiquement ces deux sémioses et d’encourager l’étude de la relation parole-musique.« Il s’agit donc ici d’une inter-sémiotique [...], poursuit Georges Molinié, je dirai ici que cette notion suppose et exige une inter-disciplinarité, [...] dans la mesure où un ensemble présenté à consommation-réception contient des éléments faits d’une imbrication de sémioses diverses. »La sémiotique « hjelmslevienne » évoquée propose de réfléchir plus particulièrement sur la « substance de l’expression », notion issue de la quadrition – substance et forme de l’expression et substance et forme du contenu. Il s’agit ni plus ni moins d’aller vers une « sémiostylistique » qui prendrait en compte l’indicible, c’est-à-dire la question du contenu qui existerait dans la substance d’expression. C’est dire ainsi qu’il doit exister des liens de sens et de signification, un contenu dans la substance textualo-musicale même qui relierait les formes de substance d’expression et les formes de substance du contenu.Par ailleurs, dans la mise en jeu sociale, chaque « contexte » particulier, correspondant aux différents corpus choisis et analysés par les auteurs de notre ouvrage, a-t-il finalement trouvé ou prouvé un début de démonstration de cette théorie ?Il convient par conséquent de rappeler rapidement l’apport de chaque auteur et de chaque analyse à cette théorie et de voir vers quelle voie il serait possible alors d’organiser plus loin l’interdisciplinarité.Je proposais, en introduction, de distinguer-séparer, selon une démarche très anthropologique, les travaux ethnographiques et les études anthropologiques, des descriptions et analyses linguistiques et musicales, enfin des études systémiques de mixtes de sémioses qui portent sur les relations entre parole et musique. Parfois extrêmement techniques, nos approches ont valeur méthodologique et elles devraient servir, plus tard, à alimenter la théorie anthropologique. Elles sont utiles en ce qu’elles permettront, sans aucun doute possible, d’envisager le style d’une communauté ou d’une région à partir à la fois d’analyses ciblées de performances et du contexte de ces pratiques musicalo-linguistiques, particulièrement significatives d’une culture donnée, celle dans laquelle l’on a enregistré ces données. p.383La mise en exergue des principes et des manières de développer socialement des chants, comme nous le montre si bien José Rodrigués dos Santos pour les chants d’Évora au Portugal, n’a pas reçu ici de lien avec les formes de l’expression ni les formes de contenu. Cependant, ces dernières formes chantées, si elles sont analysées plus tard, affineront sans aucun doute cette caractérisation culturelle et cette sémiostylistique que l’on veut construire.Les formes retenues par les ethnolinguistes (Fribourg, Panayi, Mougin) et la sémanticienne (Bourmalo) sont souvent communes à plusieurs régions des pays de France. Les manières dont elles approchent le sens divergent mais aboutissent néanmoins à montrer, et il le fallait, que les chants traditionnels fonctionnent, c’est-à-dire se transmettent tant que les grandes « histoires » nationales françaises, de l’« amour », de la vie quotidienne partagée dans les milieux ruraux et au-delà..., sont encore vécues et, à défaut, mémorisées.Par la méthode comparative, il s’agissait non pas d’envisager seulement les aspects universels de l’« humain chantant » mais aussi et surtout de voir comment il développe et se crée un style qui lui est propre. '''La musique comme élément non langagier''' Quand on envisage la monodie – en musicologue (Despringre, Geneix, Schmitt), ou en sémiologue, comme signe, mais au sens large de symbole (cf. la triade sémiotique de Peirce, 1960) –, on tente, avec l’état de l’information sociale et culturelle que l’on a pu réunir comme ethnomusicologue ou que les folkloristes ont déjà recueilli bien avant nous, de tenir compte, dans le choix d’un corpus, d’une certaine cohérence culturelle des pratiques que la monodie offre au regard des textes poétiques.En mettant en relation à la fois les conditions de sa production, de sa forme et la manière dont elle est perçue, on peut commencer à comprendre alors sa dépendance aux différents niveaux sociaux qui la structurent. Échapper ainsi à ce que pensait pour l’Afrique, l’ethnomusicologue Simha Arom – l’idée, certes séduisante mais très restrictive et subjective – qu’une musique serait principalement auto-référentielle (cf. ici même, la conclusion plus nuancée proposée par Jean-Pierre Caprile dans son article sur le Caméléon où il va, tout comme moi, au-delà de l’automatisme des structures). Georges Molinié fait également cet élargissement au-delà de la sémiotique et donne une piste : les sémioses seraient l’ostentation d’un dispositif « inter-référentiel ». C’est-à-dire qu’il considère enfin qu’il faudrait, pour l’élaboration du sens et la description du style du chant (mixte de sémioses), introduire des éléments de la cognition située et non s’en tenir à la cognition incarnée. p.384Avec le développement des sciences cognitives, cette idée a finalement convaincu Arom, mais sur le tard. Et pourquoi pas, en définitive, utiliser avec Edgar Morin l’expression d’éco-auto-organisation des sémioses du chant, envisagé comme système complexe ?En fait, il demeure difficile de mettre en relation les monodies avec des rythmes non musicaux, ou avec des éléments non discrétisables et par conséquent moins pertinents du chant comme le tempo régulier ou le rubato, avec les nuances ou les variations d’intensité, le timbre vocal, etc. Ajoutons à cela leur dépendance, enfin, à des aspects relationnels comme la gestuelle du corps, les émotions ou encore les concepts conscients. C’est, répétons-le, seulement en fonction de l’importance que prennent ou non ces éléments que des priorités analytiques ont pu être définies dans cet ouvrage mais pas toujours et de manière très intuitive.Les questions musicologiques qui ont été abordées concernent avant tout le système musical, c’est-à-dire son organisation et les formes de son système. Il s’agit de la recherche d’invariants qui est concomitante à la description d’éléments de la dynamique des chants à travers la confrontation entre elles de variantes musicales de « mêmes chants » comparés dans des situations bien délimitées. Plusieurs corpus qui présentaient un même texte poétique affecté à une ou plusieurs mélodies ont ainsi été pris en compte.En résumant nos travaux musicologiques qui n’apparaissent pas toujours dans le détail ici, les analyses musicales ont été les suivantes : classement (et non classification...) des diverses mélodies et numérotation de leurs variantes (dont l’identification ne semblait pas évidente a priori) ; perception et figuration graphique de leurs structures scalaires puis examen de leur cohérence à l’intérieur de « phrases » (métriquement définies par cycles répétitifs) d’une même mélodie, hiérarchisation des sons (modes et tons...) et délimitation des groupes selon le critère de « répétition ». ''Intérêt de l’interdisciplinarité : rapports langue/musique'''''Texte en gras''' L’interdisciplinarité est l’enjeu de cette recherche, l’évaluation de son efficience également. C’est d’abord en confrontant nos méthodes et nos résultats, au fur et à mesure des descriptions, que nous avons progressé vers la recherche de modes de relations particulièrement heuristiques pour la compréhension des rôles des structures provenant de la langue parlée. Reconnaître la chaîne des éléments, c’est aussi découvrir comment musique et poésie peuvent se lier ou s’autonomiser à la fois par rapport au contexte et au système linguistique. p.385D’autre part, la dialectique qui s’instaure entre certains éléments des différents champs – linguistique, poétique, musical ou gestuel –, montre des rapports de détermination, voire de domination de certains traits de l’un ou l’autre paramètre dépendant directement ou non d’intentions, souvent sous-jacentes, qu’il nous faut aussi découvrir.L’on est frappé alors par l’éclectisme de ces pratiques chantées qui, comme le corail darwinien, montrent une forme différente de celle d’un arbre généalogique. Au contraire, on peut imaginer une véritable sédimentation du chant au sein de pratiques multiples qui évoluent sur plusieurs siècles, tout comme le corail darwinien mais qui, lui, évolue sur plus d’un millénaire… Ce chant transmis surtout oralement est justement dénommé « traditionnel », pour cette raison précise, car il provigne. Les textes, en effet, se révèlent à l’analyse certes beaucoup plus stables structurellement du point de vue de leurs structures sémantiques (Bourmalo) et de leur sens (Bourmalo, Fribourg, Mougin) ou de leurs structures poétiques (Panayi) que dans leurs contenus historiques. Car, en effet, là, les développements littéraires de certaines versions sont autant de branches du corail qui démontrent la grande créativité et l’imagination débordante de certains chanteurs traditionnels. Ces derniers tendent à produire d’autres versions qui se séparent de la première par l’expansion excessive de variantes d’une strophe ou de plusieurs, ce qui modifie l’histoire d’un texte à tel point qu’elle devient autre (cf. la démonstration de Despringre, ch. III.6). Par ailleurs, si l’on considère les monodies dans leur évolution et leur extension dans le temps et l’espace, elles demeurent semble-t-il souvent stables structurellement, mais, selon les milieux ou selon les manières rythmées de bouger les corps, selon les époques aussi, leurs contenus se transforment musicalement. Ce qui fait qu’un texte littéraire du xve siècle peut encore être véhiculé aujourd’hui avec la même histoire et souvent plusieurs autres histoires qui en sont nées, alors qu’une monodie, qui se combine à lui, n’a plus de rapport ni avec cette époque originaire, ni avec celles des siècles suivants. Le principe du vaux-de-ville (chanter un texte sur l’air de...) s’est bien développé.C’est ce qui fait que les structures musicales du chant « J’ai fait une maîtresse… », par exemple, ont pu passer lentement du modal au tonal (ce qui est le cas de la majorité des versions enregistrées aujourd’hui), tout en ayant connu de multiples monodies très différentes dans leurs formes de contenu, mais nettement moins fréquemment, dans leurs formes d’expression.Peut-il y avoir correspondance, dans une perspective résolument comparatiste et cognitiviste, entre les modes d’organisation de la musique et de la langue, voire entre certaines transformations des formes poético-musicales et d’autres formes symboliques concomitantes à la musique, présentes dans la vie sociale ? Des représentations particulières de la vie sociale contraignent-elles l’usage et le changement de ces formes ? Les intentions qu’expriment nos pratiques interdisciplinaires visent à découvrir ces différents liens, sans forcément y aboutir...Le style oral, que nous avons commencé à définir ici, est perçu et reconnu par tous – sans être vraiment formulé ni explicitement codifié – comme médiation esthétique, permettant d’intégrer les systèmes institutionnels (y compris parfois l’écriture des textes), d’accéder à la vie sociale et de ressentir une identité particulière. Ce style, que révèlent aussi bien les approches pragmatiques, sémantiques et ethnologiques, peut être considéré comme une véritable institution ou mode de représentation qui est marqué, dans le cas du chant comme pour toute littérature orale, par des concepts et des procédés mémoriels particuliers, bref par une culture essentiellement orale que l’alphabétisation entame progressivement.Cependant, le style oral ne peut être mis en évidence qu’après un long travail pluridisciplinaire d’identification de la vie des formes, des structures et des systèmes que les chanteurs utilisent. L’expression chantée possède ce premier fondement formel et la création est ce qui l’enrichit ou le dénature. ''Des structures à la forme et aux genres'''''Texte en gras''' Si la forme chantée présente une assez grande instabilité, la structure, que le chercheur déduit des effets poétiques et musicaux qu’il perçoit, est au contraire la stabilité même, celle que génèrent des habitudes de modes d’organisation (d’ordre cognitif) à la fois particuliers et/ou collectifs – de notre langue, de nos rites, de nos rythmes (corporels, calendaires, poétiques et musicaux…). C’est si vrai que l’affranchissement de la structure entraîne celui de la forme et, tout comme le bouleversement des combinaisons de structures, il contribue à une « transformation » de celle-ci.C’est ainsi que le chant traditionnel, comme tout objet archéologique, montre, de manière souvent beaucoup plus vivante que le corail darwinien, l’épaisseur d’actions à la fois du temps et de pratiques corporelles singulières, propres à un groupe donné. Cette permanence formelle de l’objet chant devient ce que d’aucuns ont appelé intuitivement le « romancero national » d’un pays. '''Texte en gras'''Les auteurs
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