Musilinguistique : Un nouvel ouvrage

De Witno
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Par André-Marie Despringre (Tous droits réservés)


Musilingue : un nouvel ouvrage

L'anthropologue de la musique que je suis, comme tout musicologue, doit se placer au centre d'une "plaque tournante scientifique" qui est nécessaire à toute description d'un "objet musical" ou "fait musical" quel qu'il soit. La pratique scientifique du musicologue dépendra, par conséquent, de la capacité de celui-ci, à définir des sujets scientifiques qui seront autant d'angles d'attaques de son objet. Cette aptitude à définir des problématiques est en étroitement dépendance avec le contexte disciplinaire qui la conditionne. De ce fait, le choix de l’environnement scientifique du chercheur semble absolument déterminant s’il veut valider ses problématiques et réussir à développer une recherche valable. Par conséquent, ce métier nécessite, très théoriquement, de posséder - certes de solides compétences musicales et d'être soi-même musicien - mais aussi d’acquérir de larges connaissances sur l’avancement de nombre de disciplines connexes en Sciences Humaines et Sociales. Ces dernières sont également et surtout à rechercher auprès d’autres spécialistes que le musicologue se doit d'encourager à collaborer avec lui. C'est là une qualité nécessaire et indispensable que tout le monde ne semble pas posséder : savoir s'associer, selon les problématiques, alternativement ou concurremment, à un linguiste, un historien, un littéraire, un philosophe, un psychologue, un acousticien etc. Cependant, de nombreux travaux d'historiographes de la musique montrent, au contraire, le caractère très individualiste de bon nombre de leurs travaux musicologiques. Mêmes ceux qui, enfin, s'ouvrent à la psychologie ou à la linguistique ne vont pas encore très souvent vers l'anthropologie, à savoir la voie que nous a montré l'ethnomusicologue irlandais John Blacking : l’exemple du Colloque "Musique et Cognition" de 1998 est ainsi révélateur du formalisme très étroit des travaux qui y sont présentés. Ils sont critiquables tout simplement en raison du fait qu'une recherche sur le sens de la musique ne semble pas du tout intéresser ces musicologues. On ne situe pas la musique en un lieu, mais plutôt à une époque donnée et l'on ne s'intéresse ni à ses apprentissages ni à ses musiciens.

Antropologue de la musique

Pour ma part, je considère qu'il faut aller beaucoup plus loin dans la recherche des liens pragmatiques de la musique. Introduire par exemple la notion de pertinence culturelle, ne va pas de soi. Elle est pourtant fondamentalement à l’origine de toute sélection d’un quelconque corpus que réalise l'ethnomusicologue en vue de l'analyser. Comme pour tout bon travail d'anthropologie, il convient par conséquent d'organiser puis d’archiver soigneusement des enquêtes directes qui portent à la fois sur les musiciens (récits de vie, apprentissage, mémoire), sur les situations de la musique (rites, cérémonies) et sur les pratiques collectives. L'enregistrement matériel, aujourd'hui sur support numérique est, rappelons-le, l’ultime révolution médiatique de la fin du XXe s. Elle a succédé à celle de l'enregistrement sonore du début de ce même siècle. Celle-ci apporte enfin à l'ethnomusicologue l'outil d'indexation qui va lui permettre de travailler dans toutes les directions qu'il juge utiles à sa problématique. Enfin et surtout, l'étude de la variation des éléments mélodiques et polyphoniques qui est au centre de sa préoccupation, va être démultipliée en libérant ainsi un gain de temps considérable. L’étude de la variation des structures et systèmes musicaux tout comme celle des mélodies seront au centre de son travail. Dès lors, cette recherche pourra théoriquement aboutir à la définition tellement attendue des différents styles musicaux car ceux-ci émanent de l’interaction permanente entre les éléments constants voire les universaux de la musique et ceux que produit une culture donnée même en s'écartant des normes.

L'ethnomusicologie

La recherche ethnomusicologique sur les chants traditionnels, procédait par "échantillonnage", elle n'était qu'un pis-aller, voire un obstacle à l’ouverture actuelle sur la représentativité effective des éléments musicaux. Des séries nombreuses vont maintenant pouvoir être appréhendées, tant en phonologie qu’en musicologie, dès lors que l’on disposera de bases de données étendues, sur plusieurs cultures en contact. Utiliser les techniques numériques pratiquées avant nous par Marc Jeannin et/ou l'AREXCPO, c’est se donner le moyen de réaliser des études informatisées sur le comportement de couples phonèmes-notes (sons ?) dont l'intérêt serait de nous renseigner sur l’essentiel des liens fondamentaux qu'une langue et une culture entretiennent avec la musique.

Contexte

Grâce à l'informatique encore, les fiches de musiques ou de chansons, qui sont aujourd'hui organisées en bases de données, donnent la possibilité théorique de relier les éléments issus des différents contextes de pratiques aux formes elles-mêmes(cf. nos enregistrements sur a base RADd0 de l'OPCI). La liste des fonctions, distinctes de celles des usages, fonde le sens et certaines tentatives d'explication par élucidation des "causalités multiples" ; elles permettent de mieux comprendre les raisons de l'existence d'une forme plutôt que d'une autre. La compréhension phénoménologique de nos objets musicaux pourra de la sorte être abordée selon plusieurs points de vues qu'ils soient linguistiques (phonologie et sémantique), littéraires (sens par l'ethnolinguistique et la métrique), enfin, musicologiques. On a pu envisager vraiment une véritable anthropologie musicale qui tente de mettre en correspondance les résultats des analyses de ces formes chantées avec l'habitus des personnes qui les propagent (cf. P. Bourdieu). Pour cela chaque discipline coopère, dans notre livre, à l’élaboration de documents ethnographiques qui portent sur les œuvres musicales qui ont été soigneusement choisies puis examinées. On le fait, bien entendu, tout à la fois pour analyser leur forme mais aussi leur objet à la fois musical, littéraire et sociologique. En ethnomusicologie, il s'agit, comme en ethnolinguistique, de développer à la fois la connaissance du système expressif (formes et substances) et celle de ses contenus (formes et substance également). Par conséquent la plaque tournante scientifique, que j’ai animée durant vingt cinq ans, n’a pu fonctionner correctement que dans la mesure où l'ethnomusicologue, souvent en position d’être le premier gestionnaire et l'initiateur de ces recherches, a su concilier les impératifs scientifiques de l'objet musical, avec les contraintes budgétaires et personnelles inhérentes aux chercheurs qu'il implique. Là est sûrement le nœud gordien de ce type de recherches qui souffre encore énormément d’importants carcans qui freinent l'activité et la bonne volonté scientifique de chercheurs pourtant passionnés. Ils empêchent le plus souvent une authentique coopération qui porterait sur des objets communs au profit de la récupération d'une discipline par une autre, en l'occurrence de la musicologie par la linguistique et réciproquement.

publications collectives

Le début de cette ambitieuse recherche collective avait notamment et plus officiellement été insérée, davantage dans un ensemble assez large, et donc par le LACITO-CNRS en 2004, lors de la publication d’un important ouvrage : "Du terrain au cognitif Linguistique, Ethnolinguistique", Ethnosciences en Hommage à Jacqueline M.C. Thomas Petters, Mon article s’intitulait : « Fonction sémiotique de quelques chants de Haute-Bretagne : vers une nouvelle musicalité » in Elisabeth Motte-Florac et Gladys Guarisma (éds), pp. 417-445.

Mais 15 ans plus tard, voilà un nouvel ouvrage publié gràce à l’Office du Patrimoine Culturel Immatériel (OPCI) chez l’Harmattan : "Le chant traditionnel : questions de sens et de style" Approche ethnomusicologique et ethnolinguistique 413 p. et un CD (27 pièces sonores).