Les ports de La Barre-de-Monts

De Witno
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Le goulet de Fromentine

Il est emprunté par tous les navires qui pénètrent dans la baie de Bourgneuf par l’ouest, entre la pointe de l’île de Noirmoutier et le continent. C’est une passe dangereuse semée de roches et encombrée de bancs de sable en continuel mouvement. Le chenal qui donne accès au Goulet admet des tirants d’eau de 3,50 m. Un premier balisage spécifique est entrepris au moyen de deux tours maçonnées, la première, en 1832, la tour blanche dite du Boisvinet et la deuxième, la tour rouge, en 1870, dite du milieu. Plus tard, un balisage complémentaire lumineux est mis en service en 1881, constitué par trois feux d’alignement aux emplacements suivants : en face de la villa La Brise sur le front de mer, juste derrière la gare et à La Fosse, sur Noirmoutier. Constitués par des structures charpentées en bois, ils seront enlevés quelques mois après le montage du phare en 1915.


La côte occidentale du pays de Monts n’est guère favorable à la création d’un port. C’est plus au Nord, en bordure du Goulet de Fromentine et à l’entrée de la baie de Bourgneuf, que se trouvent les conditions favorables avec les embouchures des étiers du Perrier et de la Grande Taillée (également appelé La Cahouette), qui forment un havre bien abrité et propice à l’implantation de ports, accessibles par l’estuaire de la Cahouette. Le port du Quai est situé à 2,6 kms vers l’intérieur des terres sur l’étier de la Grande Taillée, et le port du Grand Pont se trouve à 5 kms environ de l’estuaire.


Le Canal de la Cahouette est recreusé et recalibré pendant 12 ans à partir de 1766. La partie en aval du Grand Pont qui correspond au franchissement de l’étier par la route stratégique 23, est appelée port du Grand-Pont ; elle est située sur la commune de Beauvoir-sur-Mer et ne fait donc pas l’objet de nos propos.

Le port du Quai

Aménagé sur l’étier de la Taillée en provenance du Perrier, le port du Quai est le port de la Barre-de-Monts, en activité dès le XIIIe siècle. Entouré de salines, c’est depuis l’origine un port essentiellement salicole.


Jusqu’avant la Révolution, ses conditions d’accès restent difficiles tellement les sinuosités ou méandres de l’étier nécessitent de savantes manœuvres, pouvant causer de graves préjudices, en terme d’échouage, compte-tenu des caractéristiques des rives, molles et vaseuses, en lieu et place de digues. Cette carence rend difficiles l’entrée et la sortie du port, ne facilite guère l’amarrage des bateaux de faible tonnage, encore moins leur chargement ou leur déchargement sans prendre de gros risques.


En 1702, Claude Masse précise que les eaux douces du marais de Saint-Jean-de-Monts alimentent la Grande Taillée et le chenal du port, assez profond, où remontent des barques de 30 à 40 tonneaux. En 1875, plusieurs centaines de navires de commerce y entrent encore pour y charger des produits du pays, céréales et sel, à destination des autres ports de la côte atlantique.


Le quartier du Quai autour du port sur la Taillée présente à cette époque d’anciennes ruelles du XVIIIe et XIXe composées de maisons basses avec des murs de clôture faisant largement appel aux pierres de délestage. Le capitaine du port contrôle et taxe le trafic maritime des chaloupes, goélettes et navires à vapeur, soit, on l’a dit, près de 300 bateaux par an qui exportent des milliers de tonnes de marchandises. Il réside à La Joséphine, maison de caractère dont un des linteaux porte la date de 1828. Disposant de deux fours, dont l’un est destiné au village, cette demeure témoigne de l’ancienne activité portuaire tant salicole que céréalière.

Le port du Pont Neuf

De grands travaux sont entrepris dans la deuxième moitié du XIXe, ils comprennent le redressement des méandres et de leur sinuosité, la construction du port avec la réalisation de perrés sur les deux rives et, enfin, une nouvelle écluse de chasse. Selon l’ingénieur Jules Dingler, « les travaux de la Barre-de-Monts ont présenté de très grandes difficultés, les ouvrages flottants pour ainsi dire dans la vase molle ». Ces travaux furent pénibles et durèrent 5 ans, de 1842 à 1847.


Les aménagements privilégient la rive gauche, située du côté du quartier du Quai avec un perré de 166 ml, contre 65 ml sur la rive de droite, qui reste non urbanisée. Le port est équipé de pieux d’amarrage en tête des perrés et de deux cales à double rampe pour faciliter les opérations d’embarquement et de débarquement. L’écluse de chasse, bel ouvrage de maçonnerie, est équipée de deux pertuis de 3 mètres de largeur chacun, fermés au moyen de vannes levées et mues manuellement par des crics. L’écluse est aménagée quasiment en même temps que la route stratégique de 1837 à partir de Bourgneuf, mais elle reste dissociée de quelques mètres de cette dernière. Le Pont Neuf sera finalement reconstruit avec son écluse en maçonnerie et béton dans les années 1939-1940 par l’entreprise Cornu. Elle est électrifiée en 1954. Avant cette voie, il n’existait qu’une seule charraud, souvent inondée, qui assurait très mal les relations maraîchines. La nouvelle et moderne configuration du port va entraîner le changement d’appellation du port qui va devenir Le Pont-Neuf. On imagine facilement l’animation et la vie du petit port avec les multiples va-et-vient liés aux transferts des pochées portées à dos d’hommes, entre les voiliers et les charrettes. L’aménagement du nouveau port entraîne un sursaut d’activité. 50% des bateaux entrent au port, chargés de pierre de lest tandis que les autres apportent du sarrasin ou du blé noir destiné à l’alimentation des volailles.


A cette époque, les échanges concernent principalement les grains, froment, légumes secs, lentilles, haricots et fèves… Une bonne partie est transportée principalement à destination du port de Bordeaux, mais aussi Nantes, Lorient, Rochefort ou Brest. Les chargements respectifs sont effectués par des bateaux à faible tirant d’eau, type chaloupe, pour leur permettre de remonter facilement les étiers. Beaucoup plus récemment, jusque dans les années trente, des caboteurs viennent par la Vilaine du pays de Redon. Chargés de pommes avec leur mâture ornée de branches de pommiers pour se signaler, ils accostent dans les ports d’étiers et leur équipage loue une charrette et un âne pour vendre aux alentours leurs pommes dans un pays largement dépourvu de fruits.

La disparition rapide du cabotage et du port de commerce

L’envasement progressif de la baie, le déclin des activités salicoles puis la concurrence du rail et de la route font décliner l’activité du port du Quai dès la deuxième moitié du XIXe siècle. Le port a atteint son apogée dans les années 1870 à 1880, époque à laquelle près de 300 navires (¼ de voiliers et ¾ navires à vapeur) entrent au port dont la moitié sur lest. Les marchandises consistent essentiellement en céréales et légumes secs. Le sel devient marginal, il est principalement livré au Grand Pont de Beauvoir et sur les rives Nord et Sud du chenal d’accès, à la Gésière, la Pointe aux Herbes ou au Baraud. A titre d’exemple, pour l’année 1876, la taxe perçue sur les sels par la douane s’élève à 232 F 17c pour la Barre contre 111.627 F 27c, chiffre considérable, pour le Grand Pont.


Concernant le tonnage des marchandises embarquées et débarquées, l’apogée est atteint en 1878 avec 1269 Tonnes importées et 3649 Tonnes exportées.

Les navires marchands sont petit à petit remplacés par des bateaux de pêche, de plus en plus isolés, parmi les bateaux de plaisance.

Quelques exploitations ostréicoles sont installées sur chaque rive, bien compatibles avec les activités de loisirs. Le port présente actuellement une configuration particulièrement pittoresque avec ses enfilades d’une centaine de pontons en bois sur les deux berges de l’étier.

Fromentine, porte des îles

Dès 1875, l’ingénieur Dingler envisage de construire sur chaque rive du Goulet de grands appontements de bois. Ils vont permettre l’évolution de Fromentine en nœud de communication. Il faudra attendre 1855 pour que les premiers aménagements portuaires propres à recevoir les bateaux à vapeur voient le jour à Fromentine.


En 1856, une cale est construite en pavés. A côté de celle-ci est édifiée en 1869 l’estacade de 140 mètres de longueur qui sert d’embarcadère pour les îles d’Yeu et de Noirmoutier. Au départ, la largeur de l’estacade ne mesurait que 1,40 de largeur, deux charrettes à bras ne pouvaient se croiser. Dès 1905, sa largeur sera portée à 3 mètres, pour atteindre 10 m dans les années soixante-dix… Pour desservir ces équipements, la route entre les quartiers du Quai et de l’Embarcadère est créée dans les mêmes années, en 1856. Ce quartier ne cessera de s’accroître avec l’aménagement et l’inauguration du Terminus ferroviaire en 1896 sur la place de la Gare, la création d’hôtels et de villas. La gare terminus s’appelle désormais Fromentine. La première gare à La Barre est un baraquement en bois à la toiture débordante, bâtie sur un quai surélevé auquel on accède par une rampe inclinée, ce qui permet aux passagers d’entre dans le wagon sans avoir à gravir de marches.


Lui succède une seconde gare, cette fois construite en maçonnerie, disposant d’un logement de fonction ; elle est mise en service en 1922 à l’occasion du lancement de la ligne Bourgneuf-Les Sables. Depuis la fermeture de la ligne, elle est transformée en Bureau de Poste et en locaux sociaux. Nous avons vu comment l’ouverture d’une route, entre le quartier du Quai depuis le port et le nouveau quartier dit de l’embarcadère à Fromentine, a d’abord renforcé l’urbanisation du quartier du Quai autour de son port d’abord, puis de sa gare, jusqu’à Fromentine, avec sa gare-terminus et son embarcadère. C’est ainsi que les trafics maritime et ferroviaire se sont associés pour lancer la station balnéaire, de plus en plus linéaire entre le Pont Neuf et l’estacade.


Par Etienne CHOUINARD