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Talmont

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Sommaire

Talmont au Moyen-âge, une principauté anglaise sur la côte Atlantique.

Au Moyen-âge, le réseau routier n’est pas développé dans la région, hormis la voie romaine qui relie Talmont à Fontenay-le-Comte, Niort et Poitiers. Les autres chemins sont en mauvais état et dangereux à cause des bandes de brigands et des guerres permanentes entre les seigneurs. Aussi les transports par cabotage en bateau sont privilégiés. Grâce à sa façade maritime, la position stratégique de Talmont est à l’origine de la richesse et de la puissance de la seigneurie. En effet, le château et le bourg castral de Talmont se trouvent à la confluence de deux petits fleuves, la Sauvagère et le Gué Châtenay. Ils sont situés à l’époque au fond d’un large et profond estuaire, une ria qui englobe tous les marais actuels. Cet estuaire possède une branche qui remonte vers Jard et permet aux bateaux de rejoindre l’abbaye de Lieu-Dieu, tandis qu’une autre rejoint le village des Hautes-Mers et ses forges avec un atelier de construction marine. La mer remonte suffisamment à marée haute pour que les navires marchands puissent accoster au pied du château de Talmont. Il y a 1000 ans, à la demande de Guillaume le Grand, duc d’Aquitaine et comte du Poitou, son vassal Guillaume le Chauve, seigneur puis Prince de Talmont, fit construire, en partie en galets, 345 mètres de remparts sur l’éperon rocheux dominant le port. La position stratégique du port de Talmont conduit les Plantagenets, souverains d’Angleterre et de l’Ouest de la France actuelle, à financer l’aménagement du port et la fortification de Talmont. Le roi Richard Cœur de Lion devient comte de Poitou et duc d’Aquitaine en 1169. En 1182, il reprend son titre à Raoul III de Mauléon, qui avait spolié les moines de l’abbaye d’Orbestier. Richard Cœur de Lion devient alors prince de Talmont. Il vient souvent chasser et faire des fêtes à la Salle-Roy, pavillon de chasse et salle de réception qu’il fait construire en 1172. Il y accède par un ancien port viking situé dans la baie de Cayola, Port-Juré, port qu’il donne ensuite aux moines de Saint-Jean d’Orbestier. Sacré roi d’Angleterre en 1189, le roi Richard fait renforcer les fortifications du château, en particulier le puissant éperon triangulaire et le grand fossé au nord. Raoul de Mauléon ne retrouvera son titre de prince qu’en 1199 après la mort du roi. En 1214, Savary de Mauléon devient le plus illustre prince de Talmont en héritant de son oncle un immense domaine couvrant un tiers du Bas-Poitou, l’Aunis et le Nord de la Gâtine. La position stratégique du port de Talmont conduit les Plantagenets, et particulièrement Henri III, à financer de nouvelles fortifications de Talmont1. Savary participe à la cinquième croisade en Égypte et le port de Talmont est le point d’embarquement des seigneurs poitevins pour les croisades. Le commerce du blé, du vin et du sel y est florissant avec l’Angleterre, la Bretagne et le golfe de Gascogne. L’artisanat s’y développe et les foires y sont très importantes. Prince bâtisseur, Savary fait renforcer le château de Talmont jusqu’en 1229 par une enceinte extérieure (aujourd’hui détruite) et une enceinte de la haute-cour avec une tour-porte à passage coudé, inspirée des fortifications qu’il avait observées en Terre-Sainte. Après la mort de Savary de Mauléon, en 1233, saint Louis intègre le Poitou au royaume de France. Il confie le château et le port à Aimery II, vicomte de Thouars et époux de la fille de Savary. Il n’y vient que pour ses loisirs. Malgré tout, le port reste un lieu stratégique et le château abrite une petite garnison.

Au Moyen Âge, le seul grand port entre Nantes et Bordeaux.

Talmont étant alors une principauté et surtout le seul grand port du Poitou. Il devient au Moyen Âge un point stratégique et économique de première importance : il est le seul débouché vers la mer de tout le comté du Poitou.

Comme l’ont confirmé les fouilles de l’INRAP en 2021, le port est alors accessible à marée haute par les navires qui accostent en aval du château sur le quai de Gerberote, pour le déchargement et le chargement des marchandises. On y a découvert d’imposantes structures de quais en pierre et en bois des Xe au XVIe siècles, accompagnées d’espaces de déchargement, de stockage et de redistribution de marchandises. Le port a d’abord servi à acheminer les matériaux de construction du château : le calcaire des falaises proches de l’entrée de l’estuaire et les galets de la côte. En 1138, l’abbé Suger indique que « dans les fossés du château la marée de l’océan, qui n’est pas fort éloigné, monte deux fois par jour, et par son mouvement dans les ruisseaux d’eau douce permet d’apporter en bateau, dans l’intérieur des terres, jusqu’à la porte de la tour, abondance de poissons, de viande et de marchandises diverses2 ». La richesse des seigneurs de Talmont provient de l’immensité de leur territoire qui comprend une grande partie du Bas-Poitou, ainsi que des taxes prélevées sur les navires qui accostent dans le port et des marchandises qui traversent à ce niveau au « pont de l’eau ». Du XIe au XIIIe siècle, le port de Talmont est le seul aménagé avec des quais pour le chargement des marchandises vers les grands ports de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du nord, en particulier vers l’Angleterre. En 1070, on y signale des bateaux partant pour la Bretagne avec des tonneaux de vin, le « franc blanc ». Des navires espagnols viennent aussi y chercher du blé en 1412. Les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle et des Croisés en route pour la Terre Sainte y embarquent. En 1472, le port de Talmont est encore en pleine activité lorsque le roi Louis XI y accoste pour passer quelques jours au château. L’importance du port provient des exportations de blé cultivé dans la plaine au sud, du vin produit en quantité sur les coteaux bien exposés, ainsi que du sel produit en grande quantité par les moines dans les salines de l’estuaire. Pendant cinq siècles, on y embarque du sel pour Bayonne, Bordeaux, Marans et les ports de Bretagne pour la salaison des sardines. Ainsi, la cité de Talmont se peuple d’hommes de loi et de marchands.

 la fin du XVe siècle, l’envasement de l’estuaire met fin à la richesse du port de Talmont

Avec les grandes étendues défrichées et mises en culture par les moines au XIIIe siècle, puis la reprise foncière du milieu du XVe siècle sous l’action de Philippe de Commynes, les sols mis à nus par la déforestation sont érodés par les pluies. Les rivières déversent ces boues dans l’estuaire du Payré qui s’envase de plus en plus. Afin de faciliter la navigation et d’empêcher la montée de la mer dans les terres, les moines amplifient les travaux d’endiguement de l’estuaire et de ses chenaux. Ces digues canalisent les eaux. En réduisant sa largeur, on augmente le débit du courant, ce qui entraine un effet de chasse et le creusement du chenal pour donner assez de tirant d’eau pour la remontée de plus gros navires (marchands ou militaires) vers Talmont. En 1474, on doit effectuer un curage du chenal afin que des bateaux remontent jusqu’au château. Seuls les navires de 40 tonneaux peuvent alors remonter jusqu’au pied du château de Talmont à marée haute. Les bateaux de 110 tonneaux restent dans l’avant-port de la Guittière. Ils sont déchargés sur des gabares qui remontent vers Talmont. Talmont exporte alors essentiellement du blé pour l’Espagne et du vin, ce qui représente 80% des ventes de la seigneurie. Le sel est l’autre grande exportation, mais il est produit et géré par les moines. Au début du XVIe siècle, les bateaux à plus fort tirant d’eau sont obligés de transborder leurs marchandises sur des gabares à fond plat pour les faire pénétrer à l’intérieur de la ville de Talmont jusqu’au quai de Gerberote, près du « pont de l’eau ». Ainsi, en 1504, on signale que, pour les travaux au château de Talmont, les ardoises venant de Redon sont transbordées au niveau du port de la Guittière (nommé à l’époque port de Jard), tandis que la chaux est déchargée au port de la Vignolière. En 1575, une carte indique « Haultemer » (les Hautes Mers) comme port de Talmont. En 1586, Henri de Navarre (futur Henri IV) débarque au port de Talmont avec les huguenots venant de La Rochelle. Il occupe la forteresse. En 1593, devenu roi de France, il ordonne le renforcement des fortifications du château et des remparts de la ville de Talmont. Près de l’embouchure de l’estuaire de Talmont, le port de la Guittière sera le dernier à rester en activité pour l’exportation du sel et du blé jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il est devenu depuis un siècle, un petit port ostréicole renommé pour la qualité de ses huitres.

Port Bourgenay, une renaissance pour le port de Talmont

Il faut attendre les années 80 pour que le tourisme se développe à Talmont-Saint-Hilaire grâce à la fusion, en 1972, des deux communes sous l’impulsion du maire de l’époque, Monsieur de La Rochethulon. Cette fusion offre à Talmont une ouverture sur la mer et permet de créer à Bourgenay, un port de plaisance, un golf, des villages de vacances et des lotissements. Elle développe l’emploi en répondant aux besoins des commerçants et artisans de la ville, et offre aux petits agriculteurs du littoral la possibilité de vendre leurs terrains trop petits pour les exploitations modernes. Inauguré le 1er mai 1985, Port Bourgenay est un port d’escale important de ce secteur de la côte. Avant sa création, il n’existait qu’une cale pour la mise à l’eau d’embarcations légères au fond de la baie, au pied de la falaise. Le port a été creusé artificiellement dans un plateau rocheux. Situé dans un environnement exceptionnel bien préservé au pied de la forêt, Port Bourgenay est lauréat depuis 20 ans du label "pavillon bleu", qui garantit l’écocitoyenneté du port. Le port est accessible quelle que soit l’heure de marée. Il abrite 650 bateaux de plaisanciers, quelques bateaux de pécheurs, des entreprises du nautisme et des restaurants. De nombreuses manifestations sportives et festives y sont organisées chaque année. En 1988, il a été le lieu de départ de la Solitaire du Figaro. De 1989 à 2015, il a été le port de départ et d’arrivée de la Transgascogne et il est régulièrement port d’étape du tour de France à la voile. Située à l’entrée de la grande digue, une œuvre en bronze de Jean-Michel Solvès, peintre et sculpteur vendéen, a été érigée en 2005 en hommage à Flandrine Charlotte de Nassau, sauvée des eaux en ce lieu en 1631, et qui a fait construire à l’entrée du port la chapelle Notre-Dame de Bourgenay. Notons enfin qu’en matière de sécurité, Port Bourgenay bénéficie d’une station de la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM), équipée d'un bateau le Président Louis Trichet.

Jack Guichard